4ème Lune : Strange Meeting
4eme Lune : Strange Meeting
"Fait... trop... chaud..."
Esteban était au bord de l'évanouissement. Cela faisait plusieurs jours qu'ils marchaient dans le Désert de l'Agonie, et ils devaient rationner les vivres qu'il leur restait. Il devait s'appuyer sur un bâton pour ne pas s'effondrer. Il était vêtu d'une cape brune, le recouvrant totalement. Elle le protégeait des tornades de sables, très fréquentes dans ce désert.
"Veux...boire...eau..."
La chaleur était tout simplement insoutenable. Esteban se demandait comment ils avaient fait pour arriver jusqu'ici. Les tornades, les vers des sables, et la déshydratation n'avaient pas réussi à les décourager.
"Toujours en train de te plaindre !"
Kylvane, lui, marchait normalement, il semblait ne pas sentir la chaleur. Il était dressé fièrement en haut de la dune qu'Esteban regardait désespérément, sachant qu'il allait devoir l'escalader à son tour. Une petite larme coula même de son oeil, mais elle n'atteignit pas la bouche car il faisait tellement chaud qu'elle s'évapora aussitôt.
"J'ai... soif..., parvint-il à articuler
- Il faut que nous gardions l'eau, lui répondit Kylvane.
- Mais... vous... avez bu... il y a... deux minutes !! essaya-t-il d'hurler, mais seul un faible son inaudible et incompréhensible sortit de sa bouche.
- Bon, allez dépêche-toi d'arriver ici, il va falloir qu'on choisisse un endroit pour bivouaquer cette nuit."
Esteban eut toute les peines du monde à parvenir jusqu'à son maître tellement il était fatigué et affamé. Il n'était pas comme Kylvane, son métabolisme avait besoin de plus de nutriments et d'eau pour pouvoir marcher convenablement. Encore heureux que les combats s'étaient déroulés au tout début de leur traversée, parce que maintenant, le moindre effort violent risquerait de le tuer. Kylvane, lui, était en pleine forme, et Esteban se demandait par quel prodige ou quelle magie lui permettait de se tenir en haut de cette dune, droit comme un I, invincible. En parlant de magie...
"Han... han... au fait... comment cela... se fait-il... que vous ayez pu... utiliser... la magie contre... Mirlo... ?
- Je ne sais pas. Je connais les incantations, je les ai toutes apprises, du moins, celles de la Lumière, mais je n'ai jamais pu les utiliser. Et là, par je ne sais quel miracle, l'incantation a fonctionné.
- Et puis... c'était quoi... cette incantation ... ? Je... n'en ai... jamais... entendu parler...
- C'était une incantation spéciale de la Lumière. Elle permet de paralyser l'ennemi. Seuls certains moines la connaissent.
- Votre... élément... est donc... la Lumière... Combien... y'a-t-il... d'éléments ?
- 6. Lumière, Ténèbre, Eau, Feu, Terre, et le plus dangereux, Esprit."
Esteban reprit son souffle, et continua :
"Dangereux ? Pourquoi dangereux ?
- Parce que dans chaque élément, le corps est spécialisé. Et dans le cas de l'Esprit, le sujet est toujours touché mentalement. Il devient schizophrène et paranoïaque, s'attaquant à toutes les personnes qui ne leur reviennent pas. Et leurs pouvoirs sont terrifiants. Ils touchent à l'esprit de leur adversaire, le rendant souvent fou à lier, ou d'autres tortures encore pires que celle-là.
- Vous êtes-vous déjà battu contre une personne ayant pour élément l'Esprit ?
- Non, et j'espère bien ne jamais en rencontrer. De toutes façons, les démons sont tous de l'élément Ténèbre. Il est dangereux, certes, mais la Lumière est parfaite pour les combattre.
- C'est ce qui vous a sauvé contre Mirlo ? Je veux dire, vous avez été transpercé par un rayon des ténèbres.
- Transpercé, oui et non. Oui, son rayon m'a traversé le corps, mais mon coeur a bien été protégé par mon élément. Le coeur des personnes possédants un élément est toujours fait de cet élément. Et les éléments s'annulent deux à deux. Ténèbre et Lumière, Feu et Eau, et Terre et Esprit.
- Alors pourquoi votre sort a-t-il marché sur Mirlo ? C'était pourtant bien un sort de Lumière, et Mirlo était de l'élément Ténèbre.
- Il faut tenir compte aussi du sujet. Mirlo était faible, alors que moi, même si je suis nul en magie, mon âme est bien plus puissante. Mais je n'aurais pas pu le tuer avec un sort de Lumière, quelque soit mon niveau, c'est pour ça que j'ai utilisé mon épée.
- Alors, moi, mon élément est Terre...
- Exactement. Le Menuet des Lianes Enchantées est bel et bien du type Terre... C'est quoi cette lumière là-bas ?"
Kylvane montra une forte lumière en haut d'une dune à quelques centaines de mètres de l'endroit où ils se trouvaient. Puis, d'un coup, la lumière disparut.
"Allons voir ce qu'il s'est passé, déclara Kylvane"
Ils mirent en marche, leurs bardas sur les épaules. Ils ne mirent qu'un quart d'heure pour arriver à l'autre montagne de sable. Ce qu'ils y trouvèrent les stupéfia.
"Un enfant ?!"
Ils attendirent patiemment que l'enfant se réveille. La nuit était tombée, mais heureusement, ils avaient eu le temps de monter un bivouac de fortune fait de tentures qui les protégeraient en cas de tempêtes de sables. Ces tempêtes n'étaient pas courantes, mais meurtrières. Il était impossible de se déplacer lorsqu'elles commençaient, et la quantité de sable déplacée avait vite fait d'ensevelir les imprudents.
Ils avaient observé le rescapé pendant son sommeil. De longs cheveux blonds, un visage angélique, une allure ni costaud, ni chétive, le juste milieu, parfait. Cet enfant semblait vraiment avoir été façonné par la main de Dieu lui-même. Kylvane était subjugué par ce gamin qui ne devait pas avoir 15 ans. Ils l'avaient bien entendu recouvert d'une couverture, et avaient fait un feu pour préparer à manger. Autour du feu, Kylvane et Esteban s'interrogeait sur ce cadeau du ciel.
"Je me demande bien d'où vient cet enfant. Peut-être une caravane traversant le désert l'a abandonné...
- Alors comment expliques-tu la colonne de lumière ? Je n'ai aucune idée de ce qui a pu provoqué ce phénomène.
- Peut-être ce jeune garçon sait-il manier la magie, et cette lumière était un appel à l'aide. Regardez-le, il est presque mourrant, Dieu seul sait depuis quand il est là.
- Tu as peut-être raison. Je n'ai jamais rencontré de personne aussi jeune sachant manier la magie, mais ça expliquerait tout. A part la façon dont il s'est retrouvé ici.
- Regardez, maître, il se réveille !"
Le garçon ouvrit ses yeux, qui était d'un bleu cyan le plus pur qu'il soit. Ce regard hypnotisa presque Kylvane. Quand l'enfant remarqua qu'il n'était pas seul, il s'enroula dans la couverture et recula, apeuré.
"N'aies pas peur, nous ne te ferons aucun mal.
- Peut-être ne comprend-il pas notre langue, proposa Esteban.
- Allez, viens ! Allez, mon petit vient ! Tu veux le nonosse ? Il est où le nonosse ?
- Euh maître... C'est un humain, pas un chien...
- Ah oui, autant pour moi, s'excusa Kylvane, rouge de honte.
- Comment cela se fait-il que les dieux l'ait choisi lui ?... pensa Esteban."
Pour le rassurer, ils lui servirent une pleine assiette du ragoût qu'Esteban avait préparé. L'enfant ne la prit pas tout de suite, de peur qu'elle soit empoisonnée peut-être, mais accepta le présent lorsqu'il vit Kylvane manger goulûment son assiette et en redemander. Il commença à manger prudemment, mais en voyant Esteban dévorer tout aussi salement son assiette, il n'hésita pas à les imiter, et avala son assiette en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Il reprit même une deuxième assiette, et fit la course avec Kylvane pour voir qui finirait sa gamelle. Ce fut l'enfant qui gagna, au grand désespoir de Kylvane. Son visage digne de Michel-Ange était maintenant barbouillé de sauce, mais un sourire était cependant apparu. Le chevalier n'en finissait pas de l'observer. Ils finirent par se coucher tous les trois, et quittèrent leur campement après une bonne nuit de sommeil, toujours sans avoir entendu le moindre son de la part du jeune garçon.
Après une autre journée de marche, ils arrivèrent enfin à la limite du désert et pénétrèrent dans le royaume de Morzath. La première ville qu'ils rencontrèrent fut Morgoth, grande ville de province, pleine de vie et d'agitation, un peu comme Crystalia. Cependant, les quartiers sombres étaient beaucoup plus nombreux qu'à Crystalia. Les voleurs et assassins étaient ici légion, et Kylvane demanda à Esteban de redoubler d'attention. Ils furent forcés de se loger dans ces quartiers car, en manque d'argent, seuls les auberges miteuses du Quartier de Neurastenia étaient à leur portée. Alors que Kylvane décida de faire une sieste, Esteban alla visiter cette ville qu'il ne connaissait pas, et il emmena l'enfant avec lui. Ils se baladèrent dans les différentes parties de la ville, s'émerveillant devant les merveilles affichées en vitrines dans le Quartier de Landria, quartier riche de la cité. Le garçon ouvrait ses grands yeux bleus devant les différentes étoffes, armes et nouveautés technologiques, mais là où il bavait littéralement, c'était devant les vitrines de restaurants, en voyant les nombreux mets exotiques que l'on servait aux clients fortunés. Esteban eut un déchirement au coeur de ne pas pouvoir lui offrir un repas dans un de ces beaux restaurants. Lorsqu'ils retournèrent dans le Quartier de Neurastenia, ils virent de nombreuses boutiques de magie et d'armes. Esteban réussit à offrir au garçon une dague ouvragée avec sur la garde, un serpent enroulé dont la tête formait le pommeau. L'enfant était aux anges, et Esteban heureux de lire le bonheur sur son visage. Néanmoins, l'enfant n'avait toujours émis aucun son. Soudain, le sourire s'effaça du visage de l'enfant pour faire apparaître une lueur de terreur dans ses yeux. Esteban se retourna, mais n'eut pas le temps de voir ce qui avait effrayé le gamin.
"Je t'ai retrouvé, Lux. Tu ne m'échapperas pas. Ta destinée est parmi nous, Aeternam, et pas parmi ces saletés d'humains..."
"Qu'as-tu vu ? Qu'est-ce qui t'as fait peur comme ça ? demanda Esteban."
L'enfant ne répondit pas. Esteban n'était même pas sûr qu'il connaisse sa langue, mais il essayait tout de même. Ne voulant pas le brusquer, il décida de rentrer à l'auberge. Une fois dans la chambre, le garçon se coucha tout de suite dans son lit, et Esteban parla à Kylvane.
"Il était tout heureux, et en une fraction de seconde, son visage est devenu grave, il était terrorisé. Il a vu quelque chose qui lui a fait peur.
- Tu n'as pas réussi à voir ce que c'était ?
- Non, je n'ai vu qu'une vague silhouette dans une ruelle, mais quand je suis allé voir, il n'y avait plus rien.
- Curieux...
- Et à propos de la force que vous aviez ressentie, vous y avez travaillé ?
- Non, j'ai fait la sieste, répondit le chevalier en faisant semblant de regarder ailleurs.
- J'hallucine... Vous êtes sûr que c'est vous le fils des deux lunes ?
- Du calme, du calme... Je sens la puissance dans cette cité, mais une autre force m'empêche de la distinguer nettement.
- Et qu'allez-vous faire ?
- Dormir !"
Esteban prit une chaise et la brisa sur la tête de son maître.
- Mais vous aller arrêter d'être un gamin ?!!
- Mais euh... C'est vraiment injuste, pleurnicha Kylvane.
- Conduisez-vous en adulte un peu !!
- D'accord, d'accord... Je vais essayer de trouver quelle est cette force. Je vais aller voir dans le quartier si personne ne connaît quelqu'un qui aurait une quelconque puissance magique. Et j'emmène l'enfant."
Kylvane enfila sa cape, et sortit de la chambre, suivi du jeune garçon.
Ils déambulèrent dans les diverses échoppes magiques à la recherche d'informations sur un quelconque magicien de la région, mais personne ne voulut leur répondre. Apparemment, la loi du silence régnait dans les rues du Quartier de Neurastenia. Sans trop d'espoir, ils rentrèrent dans un magasin de magie noire que tenait une vieille femme aux longs cheveux poivre et sel. Elle semblait endormie quand ils entrèrent dans la boutique, comme si elle ne les avait pas entendu. Kylvane farfouilla un peu pendant que l'enfant restait immobile sur le seuil, et ne trouvant rien d'intéressant, s'apprêta à repartir, et en se retourna, tomba nez à nez avec la vieille dame.
"HAAAA !!! Vous êtes folle d'apparaître comme ça dans le dos des gens !! s'écria Kylvane, blanc comme un linge.
- Doucement, jeune pucelle ! Je te rappelle que je suis dans ma boutique !
- Faudra qu'on m'explique pourquoi cette vieille folle me tutoie, pensa Kylvane
- Je peux t'aider ? Que cherches-tu ?
- J'ai senti une puissance dans la cité, et je cherche d'où une telle puissance peut venir.
- Tu sens les puissances ? Ho ho, c'est rare de rencontrer quelqu'un comme toi. Des magiciens, des vrais, y'en a pas cinquante ici. Il n'y en a qu'un, Lothar. Mais c'est un vieux fou, je te préviens.
- Merci, je vais aller voir ce Lothar pour voir si c'est bien la personne que je cherche.
- Au revoir, jeune pucelle !"
"Calme, ne pas la tuer... Calme, ne pas la tuer..." pensa Kylvane.
"Au fait, la pucelle, tu n'as...
- JE NE SUIS PAS UNE PUCELLE !! hurla le chevalier, excédé.
- Et colérique en plus, tout pour plaire celui-là !
- Qu'y a-t-il ?
- Lothar ne désirera te parler que si tu lui amènes quelque chose de spécial...
- Quoi, comme chose ?
- Ça, dit-elle en lui tendant une espèce de bestiole difforme. Elle ne coûte que 115 pièces d'or !
- Y'a pas marqué "débile" sur mon front, tu ne me fourguera pas ton... truc.
- Débile, non, mais pucelle...
- Mais tu vas la fermer, oui !! cria-t-il en assommant la vieille femme d'un coup sur le crâne. J'ai quand même une réputation à tenir, dit-il en réajustant sa cape avant de partir."
Ils arrivèrent devant la maison de Lothar, après avoir dû réanimer la sorcière pour savoir où il habitait, et avoir dû troquer des objets pour s'excuser. C'était une grande demeure victorienne en ruine, avec un arbre calciné dans le jardin envahi par des herbes folles. Les gens devaient croire que cette propriété était abandonnée. Kylvane sonna à la porte, et un majordome vint lui ouvrir. Le chevalier déclina son identité, et demanda à voir le magicien. Le majordome les fit entrer, et s'asseoir dans le salon. En observant la salle à manger, il se demandait ce que le majordome faisait dans cette maison tellement les toiles d'araignées étaient nombreuses, et la poussière présente. Il faillit s'étouffer rien qu'en s'asseyant sur le canapé. Lothar arriva moins de cinq minutes après. C'était un vieil homme, très vieil homme même.
"Que me voulez-vous, étranger ?
- Bonjour, j'ai senti une puissance dans cette cité, et je voulais savoir si vous saviez d'où elle pouvait provenir.
- Je ne sais pas. Je suis le seul vrai magicien dans les parages. Et ce n'est pas grave pour le vase.
- Quel vase ? s'étonna Kylvane, en faisant un mouvement brusque de la main qui envoya valser un petit vase dans lequel baignait une fleur flétrie.
- Ce vase.
- Excusez-moi. Mais, à propos de la force, vous devez être le seul qui puisse m'aider.
- Désolé, je n'en sais pas plus. Partez maintenant. Je ne vous raccompagne pas. Au revoir."
Lothar se retourna et disparut dans un long couloir. Kylvane partit sans que le majordome ne vienne le raccompagner jusqu'à la porte. Mais lorsqu'il atteignit le portail de la propriété, le majordome arriva en courant vers lui.
"Monsieur ! Monsieur, attendez !
- Que voulez-vous ?
- Mon maître m'envoie vous dire de vous dépêcher, un grand malheur va arriver.
- Comment ça ?
- Un de vos amis est en danger en ce moment même.
- Vous plaisantez, c'est impossible.
- Mon maître ne se trompe jamais, monsieur.
- Sornettes, coupa-t-il en tournant les talons."
"Esteban, je suis ici ! lança joyeusement le chevalier en entrant dans la chambre.
- Bonjour, Kylvane, répondit une voix inconnue."
Un grand homme aux cheveux blancs avec des yeux bleus se tenait devant lui, une épée ensanglantée dans la main droite, et il tenait le corps inerte d'Esteban par le col dans la main gauche, qu'il lâcha. La masse tomba lourdement sur le sol.
"Grand frère..., murmura l'enfant."
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